De notre point de vue d’organisateur de colos, nous voyons des partenaires associatifs fatigués et épuisés. Chaque année on nous demande d’être de plus en plus rentable…
Nous le voyons depuis quelques années, la privatisation continue et volontaire de l’ensemble des services publics, des services culturels, artistiques voir éducatifs (avec l’apparition d’écoles de la seconde chance là où l’école publique n’est plus assez bien pour ces jeunes), construit une idée d’un Etat devant absolument présenter un “compte de résultat” montrant une capacité à l’investissement et la construction d’un matelas financier…
Alors se pose la question de la rentabilité. Est-ce que tout ce qui existe dans ce monde doit être financièrement rentable?
Le monde associatif est là où l’entreprise lucrative n’est pas allée
La révolution industrielle a fait émerger une idée lucrative du monde, bousculé en même temps par une idée sociale, qui ne font que se croiser dans cette vaste idée qui lie la société telle qu’elle est construite : le travail.
Dans certains domaines, la rentabilité économique est evidemment difficile, tant le nombre de salariés est important. Des lieux où le besoin de créer beaucoup pour que très peu soient lucratif est primordial. Théâtres, cinémas, musées, clubs de loisirs, clubs sportifs, colonies de vacances, club de pêches, aide sociales à l’enfance, foyers, etc…
Toutes ces institutions sont des lieux d’éducation populaire, où s’entremêlent culture, créativié, imagination, solidarité, mixité sociale…
Il est évident qu’une entreprise qui veut faire du blé n’ouvrira pas un théâtre, un musée. Elles préfèreront investir dans une dizaine de start-up dans l’espoir qu’un jour l’une d’elle rapporte gros.
Fut un temps la France reconnue le caractère d’utilité publique à toutes ces institutions et les subventionna afin de leur permettre le développement de leurs utilités, et ainsi faire grandir les individus qui croiseront leurs chemins.
Clap de fins des aides : obligations à la rentabilité
Oui mais voilà, les gouvernements se sont petits à petits retirés de cette politique sociale. A vouloir faire de l’économie, ils se sont posés la question de ce qui coûtait le plus cher et qui ne rapportait pas directement: la santé, l’éducation, la culture…et tout est lié là dedans. La rentabilité financière les a envahis.
Des hôpitaux en réduction d’effectifs, préférant dire aux gens stéréotypiquement plus aisés de ne pas venir encombrer les urgences et d’aller en clinique. Des cinémas qui se font racheter pour devenir des salles à 12€ le plein tarif. Des musées qui sont obligés de faire appels à des mécènes qui ont leur propres visions de l’art et de la culture. Des associations qui plient le genoux pour obtenir d’une boîte privée un “engagement financier en lien avec leur politique RSE”, des médias propriétés de grands groupes financiers…
L’apparition alors d’un “mécénat” est arrivée comme une idée brillante pour defiscaliser, et donc finalement d’orienter des fonds publics vers des structures qui plaisent….ou qui ont simplement les moyens de payer quelqu’un pour le faire! Avec ce système on valorise l’émergence et le financement des grosses structures, au détriment de toutes ces petites locales qui ont aussi leurs utilités.
Mais la rentabilité économique peut-il vraiment être le seul critère de mesure d’impact financier ?
Le prisme du monde des colos : un cortège mortuaire vers la lucrativité absolue
Dans le monde des colos, nous vivons depuis vingt ans un spectacle qui voit disparaître un organisme tous les trois jours.
Les communes ont disparu des colos. Elle ne sont plus qu’une dizaine. Plus d’aides de l’Etat, pas d’aides pour rénover les lieux. Plus de colos.
Les comités d’entreprises arrêtent d’organiser leurs propres séjours. Ils préférent faire cela sous forme de prestations de services. Et là c’est la bataille aux faux prix pour faire croire à la ristourne. Heureusement que certains parmi eux ont encore une ambition sociale forte.
De cette réalité sont apparus depuis 100 ans les organismes privés. Là dedans on va trouver les associations de toutes tailles qui vont accueillir leurs petits lots de familles, et se battre chaque année pour essayer de ne pas crever à force de vouloir répondre à la simple ambition du monde des colos : la mixité sociale et l’émancipation personnelle. Et Heureusement que les Cafs sont encore là pour soutenir.
Dans cette entité, Vous allez avoir aussi les mastodontes qui détiennent aujourd’hui des parts énormes du gâteau. Telligo en première ligne qui en tant qu’entreprise privée n’a de cesse de mettre en avant des semaines au double du prix de nos colos, pour des raisons qui nous dépassent encore aujourd’hui.
Plus fourbement vous allez trouver des organismes qui ont monté des mic-macs association-fondation-entreprise pour pouvoir déplacer les fonds là où cela est le plus rentable. Cela notamment parce que l’Etat a arrêté de les financer, les obligeant à réléchir à gagner de l’argent avec leur argent. Maître de cet art : l’UCPA (qui a acquis il n’y a pas longtemps un certain Telligo,…)
Dans 20 ans, vous n’aurez plus de choix, soit vous aurez les moyens, soit non!
Arrêtons le massacre organisé du monde associatif
De notre point de vue d’organisateur de colos, nous voyons des partenaires associatifs fatigués et épuisés. Chaque année on nous demande d’être de plus en plus rentable…
Mais ce n’est pas notre but ! Ce n’est pas notre priorité! Nous faisons cela parce que la société en a besoin. Nous avons une rentabilité sociale qui dépasse toutes valeurs lucratives. Nous sommes des organismes d’intérêt général, nous travaillons dans la prévention, qui est toujours économiquement bien plus rentable que la sanction. Et oui cela se finance et cela à un coût.
Est-ce qu’un jour nous (re?)trouverons un système capable de faire des choix de changements sociétaux répondant à l’urgence de notre monde?