En Novembre 2015, la directive “Travel” de la comission européenne signe la mort des colonies de vacances et des classes découvertes. Vitacolo participe alors à la création du Collectif Camps Colo pour défendre nos ambitions !
En vue de protéger les consommateurs, la Commission Européenne a adopté la directive n°20152302 du 25 novembre 2015, relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage, dite directive “Travel”. Cette directive a, comme prévu, été transposée en droit français au 31122017 pour une entrée en vigueur au 01072018. En catimini, sans réelle concertation, et dans une urgence apparente, la Direction Générale des Entreprises (DGE), qui dépend de Bercy, a piloté la transposition de la directive, dont la publication signe l’arrêt de mort des colonies de vacances et des classes de découvertes.
Les colonies de vacances et les classes de découvertes : est-ce vraiment du tourisme ?
Notre réponse à cette question est catégorique : non ! Les colonies de vacances et les classes de découvertes se définissent historiquement comme des oeuvres sociales agissant dans l’intérêt général, et à ce titre nous défendons que ces formes de séjours ne soient assignées ni au marché, ni au tourisme. Face à l’imposition de la marchandisation du loisir corrélée au mastodonte récemment généré par fusion-acquisition, une bataille d’idées est une étape nécessaire et jusqu’à présent esquivée, en faveur d’usines à séjours pour des enfants et des familles placés en position de clients et considérés comme tels.
Les colonies de vacances intègrent-elles une simple activité marchande de tourisme ? Nos expériences et représentations de l’intérêt public général et d’une Éducation réellement Populaire nous amènent à affirmer qu’elles valent mieux que cela. L’intérêt marchand ne saurait par exemple participer de manière satisfaisante à la mixité ou à l’émancipation, cela n’intégrant pas ses finalités. Quels pédagogues, cautionnant cette évolution, ont été sollicités dans cette réflexion ? Accepter que la transposition de la directive “Travel” proposée par la DGE s’applique aux colonies de vacances, revient simplement à accepter la fermeture d’associations qui organisent des séjours à des fins non commerciales, dont les modèles ne sauraient limiter les enfants à des programmes préétablis, aux risques pré-quantifiés. Ce choix de société vers lequel nous semblons fatalement entraînés, qui accorde d’une part grâce et conditions d’existence aux gros acteurs et aux marchands, et privilégie d’autre part une rationalisation des risques, va au-delà de la pensée des colonies de vacances. Le champ de l’animation risque d’en être non pas bouleversé mais annihilé, avec des catégories d’enfants qui ne seront plus oubliés par le secteur de l’animation, mais cette fois par celui du tourisme.
Pourquoi la transposition de la directive “Travel” est-elle dangereuse ?
La directive “Travel” ne traite le séjour que sur l’aspect marchand-consommateur, avec un consommateur à protéger des risques liés aux activités de marché. Ce point de vue de départ pose des questions politiques et concrètes, alors que les organisations lucratives et non lucratives ne sont pas distinguées.
Cette transposition telle quelle de la directive oblige chaque organisateur à déposer un pourcentage de son chiffre d’affaire (10%) dans un fonds de garantie ou auquel cas s’engager dans une fédération ou une union, dans une relation dénuée de sens. Dans l’état actuel, seuls les très gros organisateurs sont en capacité de déposer une telle somme, pour un procédé qui limite également la création de nouveaux acteurs. Le choix pour un collectif qui souhaite faire des colos un outil de développement local ou d’éducation est limité à cette forme marchande, qui ne permet aucunement de construire de la rencontre et des mixités. Ajoutons que cette transposition s’applique aussi aux mouvements de jeunesse qui ne pratiquent jamais les colos, camps et séjours à des fins touristiques. Le scoutisme a-t-il changé de finalités ? La directive “Travel” et sa transposition accompagnent la lente libéralisation des colonies de vacances, afin qu’elles intègrent pleinement et uniquement l’un des marchés de l’industrie touristique. La Direction de la Jeunesse, de l’Education Populaire et de la Vie Associative (DJEPVA), relativement silencieuse, ne questionne nullement la suite de positions marquées de l’État sur le sujet, dénoncées de façon argumentée depuis plusieurs années, pour des colos toujours plus en déclin. Nous n’osons pas imaginer que cette Direction, niant l’histoire, les valeurs et les finalités des colos, puisse travailler à l’affaiblissement et à la disparition des associations organisatrices pour que l’activité et les bâtiments puissent être rachetés par un ensemble d’acteurs associativo-marchands ultrapuissants.
Nous interpellons les femmes et les hommes en qualité de décideurs, militants, animateurs ou enseignants, ainsi que les collectivités territoriales sur ce qui est en train de se jouer, sur la mort programmée du tissu associatif local au profit de gros groupes d’intérêt privé. Nous interpellons aussi sur la méthode utilisée, anti-démocratique : transposition d’une directive européenne faite par une direction ministérielle qui n’y connait rien, hors de la présence des acteurs concernés, avec une publication fin décembre. Nous interpellons sur le fait que les colos constituent un levier puissant mais peu soutenu, permettant de développer l’économie des zones rurales, de la formation pour les jeunes, de la rencontre, des mixités et tout autre chose que de la consommation d’activités.
Enfin, nous interpellons les ministères concernés. La transposition de la directive “Travel” qui est proposée est inacceptable, et nous encourageons clairement les envies nouvelles et les actions qui viseraient à la revisiter, afin d’en exclure les Accueils Collectifs de Mineurs (ACM) et les classes de découvertes. À l’image d’autres pays européens qui ont pris d’autres options, appuyons-nous sur l’histoire et les acteurs du champ !
Le 11 avril 2018, par le Collectif Camp Colo