Dans le cadre des rencontres nationales de l'éducation populaire organisées par la ville de Poitiers et le CNAJEP, Vitacolo a porté un atelier sur le sens de nos actions.
Qu’en est il aujourd’hui ? A quoi servent nos colos ?
Il semble important de faire de ces questions un enjeu perpétuel, que l’on ne cesse de remettre en cause le pourquoi. Et pourquoi justement faut-il remettre en cause la raison de notre engagement ?
Dans un premier temps, il sera intéressant de s’interroger sur ce qu’est un enfant en 2022. A l’ère d’internet, de la publicité dans sa poche, de la télé-réalité, des challenges tik-tok et des story Instagram où dès 12 ans on met en scène sa vie : quelle est la place laissée à l’insouciance de l’enfance, à un développement individuel progressif dans tout ça ? Comment accompagner cette jeunesse à s’émanciper tout en trouvant sa place dans cette nouvelle société ? Comment nous émanciper, nous, de notre regard d’adulte néo-réactionnaire et comprendre ces nouveaux enjeux pour mieux être au service de cette jeunesse ?
Face à cette société dans laquelle il semble compliqué pour chacun de trouver une place (et de trouver une place à chacun ?), la réponse gouvernementale à l’été 2020 fut de ramener l’école dans les vacances des enfants : les vacances apprenantes !
Alors les acteurs de l’éducation populaire que nous sommes avons répondu dans un cri en réponse à cette politique de notre ministre de tutelle, qui avec cette invention remet en cause une valeur éducative que nous défendons par la mise en place de projets éducatifs et pédagogiques aux valeurs multiples et aux ambitions éducatives construites et travaillées selon nos différentes visions et nos différents constats. Mais était-ce nécessaire ?
Les vacances ne sont-elles pas là aussi pour offrir le droit de ne rien faire, de glander, en ville, dans la nature, de se connaître soi-même en allant à la rencontre des autres ou pas, de faire l’expérience d’un vrai espace de liberté quel que soit son âge ? de prendre le temps de prendre le temps?
Les vacances ne sont elles pas là pour permettre à chacun de grandir, à la découverte d’un nouveau milieu, de nouvelles personnes sans pour autant que soit plaqué un programme rempli d’activités aux ambitions pré-pensées ?
La vie collective n’offre -t- elle pas déjà, par nature, une plus-value suffisante aux séjours de vacances ? Un espace de vivre ensemble et d’initiation à la démocratie ? Le jeu sans autre finalité que l’amusement n’est il pas suffisant pour que l’on soit en perpétuelle recherche du tout éducatif pour justifier notre action ?
Est ce que les colos «en liberté » sans autres finalité que de vivre ensemble ne seraient pas l’avenir d’un modèle devenu consommateur ?
Depuis quelques décennies, des organismes ont vu le jour avec des ambitions fortes : faire de l’animation un outil d’émancipation de la jeunesse, par la force du jeu et de l’imaginaire en opposition aux acteurs qui proposaient de plus en plus de colos touristiques où l’on enchaînait les activités prestataires de consommation.
Est-ce qu’avec cette volonté de « tout éducatif », en voulant donner du sens à tout ce que l’on fait en colo, nous ne sommes pas devenus les nouveaux consommateurs ?
Enfin, à l’heure où près de 20% de la population vit sous le seuil de pauvreté, que parmi eux on trouve une majorité de familles (couples avec enfants ou monoparentales), que la classe moyenne représente près de 50% de la population mais que face aux loisirs et à la culture elle n’a pas beaucoup plus de moyens que la classe du dessous, comment redonner sens à nos actions en permettant aux enfants qui en ont le plus besoin de bénéficier des espaces d’émancipation que l’on crée ?
La colo comme outil de l’ascenseur social parce que c’est un lieu où, par le vivre ensemble, on développe son esprit critique, que l’on s’émancipe de son quotidien au niveau culturel, cultuel, alimentaire, social … mais à quel prix ? 500 € la semaine, en moyenne. Pour une famille aux revenus modestes, il faudra débourser près d’un mois de salaire pour faire partir son enfant deux semaines en vacances.
Comment faire redevenir accessible ce qui l’a été par le passé et qui ne l’est plus ? Comment faire revenir ce public qui a déserté nos colonies de vacances ?
Toutes ces questions sont au cœur des réflexions que nous portons au quotidien à Vitacolo. Salariés, Bénévoles, Administrateurs, nous nous interrogeons sans cesse sur la finalité de ce qu’on fait. Depuis 2008, les fondateurs de Vitacolo ont insufflé un mot d’ordre qui résonne encore en chacun de nous : “Faire ce qu’on dit et dire ce qu’on fait”. Cette volonté de transparence passe non seulement par les actes mais aussi par les réflexions que l’on porte et qui nous transportent. Aujourd’hui comme hier et nous l’espérons comme demain, nous sommes au rendez vous pour nous poser les questions qui nous poussent à avancer et à repenser la finalité de notre action.
En 2022 l’assemblée générale a validé la mise en œuvre d’un plan d’orientation triennal autour de trois grandes ambitions : Progresser, se renouveler et s’ouvrir ! Cette volonté de rencontre, de faire mieux parce que l’on fera plus ensemble que par le passé, de valoriser l’engagement associatif, de favoriser l’engagement de tous les acteurs de notre structure (enfants, animateurices, familles, structures d’accueil…) dictera nos actions pour les trois prochaines années.
Parce que nous sommes convaincus qu’ensemble nous pouvons collectivement inverser la tendance : offrir aux 3 millions d’enfants qui ne partent pas en vacances l’opportunité de vivre, grâce aux acteurs de l’éducation populaire et les synergies qui existent entre elles, l’opportunité de s’épanouir, partager et grandir !