Dans le monde des colonies de vacances il y a pleins de structures diverses et variées : associations, comités d'entreprises, communautés de communes, entreprises...qui sont même parfois un peu tout à la fois.
Elles sont de toutes tailles, allant de l’accueil de 80 enfants du village à 80 000 enfants de toute la France. Et depuis peu, un nouveau type de structure a fait son apparition dans ce monde : le supermarché des colos !
Un lieu pour toutes les envies : sports, thèmes, multiactivités…
Lorsqu’en 1957-58 ouvrent quasi-simultanément les premiers supermarchés en France (La grande Epicerie de Bardou et L’Express marché), nous ne pouvions imaginer à quels points ces concepts allaient finalement concentrer la quasi totalité de la dépense alimentaire, textile et bien d’autres de nos ménages ! Comme c’était facile, on trouve tout au même endroit… Plus besoin de chercher ailleurs.
Même réalité dans les colos ! Lors de ce demi-siècle, les propositions de colonies de vacances se sont diversifiées pour pouvoir attirer de nouvelles familles. On parlera même de nouveau public ! Mais il est vrai que personne n’avait alors eu les moyens financiers et structurels de penser une entité qui pourrait rassembler tout cela, dans la même maison.
Mais de part son expérience d’abord avec les adultes (qui a stabilisé sa croissance économique), l’association UCPA développa une proposition pour les enfants et racheta au fur et à mesure des structures, des organismes entiers pour pouvoir augmenter ses propositions. L’UCPA est devenue une asso-entreprise qui “absorbe” (selon ses termes) des “marques” pour proposer à leurs “clients” une expérience plus large.
Nous avons rencontré des “commerciaux du groupe UCPA” dans les différents salons où nous avons partagé et échangé longtemps avec ceux qui voulaient bien le faire… Le discours est rodé, simple : “Le Groupe UCPA, c’est trois marques : la marque UCPA Odysée pour les séjours sportifs, la marque Telligo pour les séjours thématiques et linguistiques, la marque Aludéo pour les multiactivités des plus jeunes…en gros vous avez tout chez nous !”
… un concept edulcoré de choix éducatifs au profit d’un discours marketing efficace
Mais par contre aucun discours sur l’ambition éducative, les choix militants de l’association en terme d’accessibilité à tous et toutes. Et pour cause la mixité sociale n’est pas un choix condionnant le modèle chez eux. Ils visent les classes aisées, qui paient cash (ou en chèques vacances), avec des prix pouvant aller jusqu’au triple de séjours équivalent proposés par d’autres. C’est l’engagement d’en avoir pour son argent, par la diversité des activités prestataires. C’est aujourd’hui le bon cadeau à faire à son gamin pour que dans son bahut de classe aisée, il puisse avoir les points communs nécessaires à son épanouissement.
Ce groupe, c’est l’Abercombie et Fitch de l’éducation populaire! Vous rentrez dedans avec du parfum de surfeur, des gens en maillot qui vous accueillent, selectionnés pour leurs plastiques. Il y a de tout : jean, shirt, short, accessoires, musiques,…mais pas tous les prix, et encore moins tous les publics. “Trop le sum”!
Alors c’est un choix commercial de parler des activités, des lieux…Mais ce n’est pas un supermarché avec tous les prix, tous les publics. C’est un supermarché de niches ! Et nous ne faisons ici qu’un constat d’observation et une analyse évidemment orientée. Peut-être sommes nous dans l’erreur ? En tous cas la plupart de nos enfants n’ont jamais eu le catalogue de l’UCPA dans les mains.
Mais le modèle supermarché n’est il pas en train de s’effondrer?
Beaucoup d’articles font état d’un changement de fond dans la pratique de consommation des pays riches , entre autres l’article assez complet de
WE demainNous sommes nombreux à nous rendre compte que ce modèle a tué l’artisanat local, a provoqué des fermetures de commerces qui faisaient vivre des centres-villes, des familles. Et bien c’est pareil dans le monde des colos ! Nous faisons face à un organisme qui de part son apétit lucratif fait disparaître des petites structures : gestion de periscolaire, réponse à appels d’offres, gestion de complexes sportifs, utilisation massive de communication payante sur les réseaux sociaux, soutien par la visite du ministre dans les lieux de ces séjours pour lancer les campagnes annuelles…
Et sa proposition est de plus en plus vaste : proposition pour familles, ouverture d’une école de DJ, organisation de festivals music-sports pour “son public”, délégation de gestion d’un complexe sports et loisirs, centres equestres, clubs…
Nous voyons quotidiennement des organismes suffoquer alors que leurs projets politiques sont singuliers et utiles (reconnus d’intérêt général). C’est la responsabilité de la société civile de faire que les petits artisans des colos puissent encore vivre et maintenir une force éducative indépendante. C’est la responsabilité de l’Etat de maintenir ce vivier vivant, créateur d’économies, d’emplois, et surtout de citoyenneté.
Nous ne sommes pas pour la disparition des organismes de toutes tailles, nous savons qu’il faut de tout pour faire un monde. Nous savons même qu’au coeur de ces organismes existe des personalités singulières, dans militants voulant bouger les choses de l’intérieur…Mais l’ambition doit rester au service de la jeunesse et non d’un profit. La diversité restera toujours une force !
Le monde des colos est en train de vivre une histoire que nous connaissons bien. Comment tenir compte des leçons du passé pour construire un avenir pour tous ? Quelle économie voulons nous constuire demain ?