Le sujet de la transition écologique est porté chaque année par les jeunes et les enfants sur nos séjours de vacances. Et le constat reste le même : il est difficile d’organiser un dialogue serein sur les questions de transition écologique avec les jeunes
Les colonies de vacances, un espace éducatif naturel !
Depuis plus de 100 ans, ils sont des milliers d’enfants et de jeunes chaque année à partir en « colo » à la mer, à la montagne, à la campagne…puis plus récemment à l’étranger, à la visite des mégalopoles du monde. Ils sont des milliers à vivre des expériences de vivre ensemble uniques et puissantes pour leur émancipation et leur construction personnelle. Mais sont-ils des milliers à la balade en forêt, la sortie plage sans activité de prestataire, à la randonnée en autonomie, l’utilisation d’outils de coupe du bois, la fabrication de cabane, la préparation d’un feu de camps, à la rencontre de la faune et de la flore qui les entourent, à la découverte d’un beau silencieux et apaisant. Sont-ils des milliers à partir à la rencontre de la Nature ?
La Nature et la transition écologique comme espaces de lutte des classes dans les lieux de mixités
En 2019, l’association Vitacolo qui accueille chaque année 850 jeunes de toute la France à travers des colonies de passions (monter un restaurant, faire un concert, éditer son manga…), a décidé de s’engager plus clairement comme soutien à l’expérience de la Nature pour la jeunesse qui lui est confiée : en augmentant notamment la part de projets « Nature » dans ses départs, et en ayant une approche nouvelle sur les autres séjours. Au-delà d’une volonté interne des équipes de direction et d’animations sur le terrain (qui avaient déjà fait un virage marqué sur la question écologique à travers leurs projets pédagogiques), et d’une volonté de l’association de se montrer plus résiliente et cohérente avec les enjeux du monde de demain (choix d’une alimentation raisonnée et localisée, diminution des déchets, sobriété dans le choix des activités…), ce sont les jeunes et les enfants eux-mêmes qui ont porté le sujet au sein de leurs colos et nous ont poussé à penser autrement.
Nous proposons assez classiquement aux enfants de participer à des temps de dialogues autour de sujets qu’ils choisissent et déposent dans une boîte à idées. Les questions autour de l’environnement, du développement durable, de la transition écologique…sont systématiquement proposées. Et le constat partagé par les équipes de direction lors des bilans d’été reste le même : il est difficile d’organiser un dialogue serein sur les questions de transition écologique avec les jeunes, car cela vire rapidement à une forme de conflits entre ceux issus de milieux sociaux différents. Certains vont s’identifier comme des bons élèves des pratiques écologiques (tri des déchets, respect de la Nature, achat en vrac…) et viennent plutôt de classes aisées, quand les jeunes issus des milieux plus modestes voir pauvres n’ont ni accès à certaines pratiques (le tri n’est pas accessible partout, le vrac encore moins), ni mis ces dernières en priorités quand la difficulté est parfois de survivre à la fin du mois.
Cette question de lutte des classes et de transition écologique n’est pas nouvelle, elle est même structurelle des concepts de développement durable (c’est-à-dire l’équilibre impossible entre production, répartition et préservation). Alors comment arriver à construire un dialogue et une pratique pacifiée en colonies de vacances, et d’éviter tout jugement de valeur ou clivage social qui pourraient avoir des effets toxiques sur le vivre ensemble ?
Vers une pédagogie de la décision, prospective, bienveillante et ouverte au changement
Fort de cette envie d’améliorer notre pouvoir d’agir ensemble et de vivre une expérience ouverte à tous pendant les colonies, Vitacolo a décidé de ne pas rechercher l’introspection et la pratique des quotidiens de chacun.e, mais plutôt d’utiliser la force de l’agir ensemble via un outil naturellement fait pour cela : l’expérience colo !
Comme une microsociété, une colonie de vacances va devoir organiser sa vie quotidienne, ses règles de vie, son rythme. C’est l’expérience d’un espace de démocratie directe intense et épanouissante pour chaque jeune et adulte qui en font partie. Aussi, l’idée a donc été pour nous d’impliquer les participants à décider de leurs pratiques écoresponsables durant le séjour tout en apportant à celui-ci les bases cohérentes à cela (alimentation en circuit court au maximum, tri des déchets, choix des prestataires locaux…). Chaque colo invite les jeunes à réfléchir dès le début aux pratiques qu’ils vont mettre en place pour être, à leur échelle, des acteurs de sobriété. Nous avons donc pour chaque séjour la possibilité d’une expérience nouvelle et différente, qui s’adapte en fonction de la réalité des localités et des envies. En 2019-2020, cette volonté a permis à une multitude d’initiatives diverses et pertinentes sur nos colos parmi lesquelles :
Le projet « Via Rhona » proposant un voyage en vélo de Valence à la méditerranée a décidé de vivre en « zéro déchet » et l’a appliqué tout au long du parcours. Un défi immense réussi avec force, nous prouvant que cela était possible sur toutes nos itinérances.
Les colonies du Lot et Garonne ont visité les maraîchers et l’AMAP en face du centre pour savoir d’où venaient nos fruits et légumes. Cette rencontre entre les agriculteurs et les enfants a été marquante et a ouvert une nouvelle relation aujourd’hui entre nous.
Le centre de Gap a décidé de lutter contre le gaspillage alimentaire et a décidé de s’organiser pour que les portions soient prises avec mesure par chacun dans son assiette, permettant ainsi à l’équipe de cuisine d’affiner sa production en fonction.
Un séjour «Ma dernière colo » pour 16-17 ans a décidé de partir vivre une expérience de randonnée en bivouac. Une première pour ces jeunes de se retrouver une nuit en pleine nature, autour du feu, sous tente.
C’est dans la capacité de l’adulte à accompagner les décisions des jeunes que nous faisons vivre une expérience citoyenne de la transition écologique, que nous renforçons leur fierté et le sentiment d’un agir ensemble possible, quelle que soit la route que l’on a pris par le passé.
L’éducation populaire ou le devoir de s’adapter aux besoins de la planète
L’éducation populaire utilise des méthodes accessibles à tous et à toutes permettant de construire un agir ensemble en adéquation avec les besoins des sociétés et de la Nature. Quand bien même elle a pu s’ouvrir aux loisirs de masse, à la prestation de services à gogo, elle devra poursuivre son développement, repenser son organisation vers une sobriété des pratiques. Et cela remettra en avant la force d’une éducation populaire construite par des acteurs locaux, véritables artisans de cet avenir.